Je suis né à Saint Gayrand, toute petite commune du Lot-et-Garonne (rattachée à Grateloup aujourd’hui), juste après la guerre, suite au retour de captivité de mon paysan de père. Dès mes premiers jours c’est la ferme de Couleau qui sera mon berceau, et dès mes premières années de scolarité c’est Laparade à 4km, qui est mon village d’adoption. Avant de subir un véritable bouleversement, le monde paysan des années 50 a encore gardé ses paysages, ses haies, ses tas de fumier, ses poules, ses vaches, ses cochons, ses coups de gueule, ses silences, ses fourches et ses paniers de bois, ses sabots, ses cottes à bretelles, ses tronches, ses forces de la nature, ses petits secs nerveux, ses gestes, ses mots, son patois, ses bérets…
Dans ce milieu les voix sont hautes, les présences fortes, les rencontres fréquentes imposées par les nécessités d’entraide pour certains travaux : moissons, vendanges, tabac… Ce monde maintenant disparu, ma génération sera la dernière à pouvoir en témoigner.
J’ai voulu renouer les conversations avec ces paysans qui m’ont accueilli, élevé, construit et ont été des jalons précieux qui ont marqué le déroulement de ma vie et y associer quelques réflexions personnelles. C’est à vous, paysans des années 50 que je m’adresse.
Comment l’enfant que j’étais a-t-il perçu votre présence ? Qu’est ce qui m’en est resté ?
Si l’on admet que les gens continuent à exister tant qu’il y a quelqu’un pour penser à eux, alors je tente de vous maintenir en vie en partageant ces conversations et pour vous remercier de tout ce que vous m’avez apporté.