Le Rhône, fabuleuse rivière aux multiples facettes, est un « taureau furieux descendu des Alpes et qui court vers la mer » comme le chantait si bien le grand poète Mistral. Et combien de mariniers tels les héros de cette fiction ont travaillé sur son échine, reposé sur ses rives et redouté ses colères ? De celles que l’on attribuait à des forces mystérieuses comme la Tarasque qui avait son repère dans les eaux agitées aux confins de Tarascon… Le « Drieu », narrateur de son amitié au cours du Rhône avec le « Dius »,?–?deux serviteurs dévoués du fleuve?–?croit bien avoir rencontré cet animal fabuleux… dans ses rêves.
[... le fantasmagorique animal s’apprêtait à plonger dans les eaux troubles de mon délire. Il fouettait de sa queue hérissée de dards la surface des eaux, créant des vagues qui s’enroulaient dans la vallée... Alors des montagnes d’eau se dressaient entre les rives, des tourbillons gigantesques avalaient les ponts, les remorqueurs, les villages entiers, les vignobles des terrasses s’effondraient et les raisins dégorgeaient d’un sang noir qui assombrissait les flots. Brimborion perdu dans la masse liquide, je m’enfonçais inexorablement vers le fond du fleuve là où le titan, dans son antre, un gigantesque entonnoir de ténèbres, allait se repaître de ses proies ballottées et noyées…]