J’ai longtemps habité dans un coin du monde appelé Réunion. Ma vie s’y est éparpillée et rassemblée. C’est un lieu où l’on me désigne encore sous mon vrai nom : Gégé de Vitruve.
Mauvais en orthographe et en révolution, j’ai fini par faire instituteur. À l’école de la rue Vitruve, Paris XXe. On m’y accueillit un jour d’automne de 1976. J’avais le sens de la formule, le goût des titres, des slogans, des lettres. Une bonne gueule. J’avais un passé. J’ai fait l’affaire, j’y suis resté. Sauf que dans ce lieu éducatif, on n’est pas seulement maître d’école, on est maîtres de l’école.
Là, fut mon métier, ce ministère mystérieux, un art de vivre auprès des autres.
Ce dont je parle porte donc le nom d’école, mais que personne ne s’y trompe, elle était simplement là, près d’une place, pour que l’on puisse buissonner tout à son aise. C’est ce que ce livre entend raconter : l’histoire d’une école dans un monde sans école.
Cela parlera surtout de vignes, de ruelles, de tables, d’amitiés, de mots en ombres portées, de tavernes, de tableaux noirs et de craies, ce sera comme le récit d’un endroit et de son peuple. Un pays peuplé d’écoliers.
Juste une île, une cité lagunaire aux alentours de moi-même. Comme une longue grève éveillée.
Frères humains et sœurs humaines, c’est ma tournée !